L’islam en France

 
 
 


L’islam fait une grande partie de la société française; le culte musulman est le deuxième culte de France après l’église catholique. Le rapport entre la France et l’islam est ancien ; les deux se sont cohabités pendant la colonisation de l’Afrique du Nord, mais leurs relations ne sont pas encore à l’aise. Le conflit entre des religions différentes existe depuis le début de l’histoire de la foi, mais dans un pays qui souligne l’importance de la fraternité et le rôle citoyen dans la création d’un pays fondé sur le principe de l’égalité, ce conflit empêche la réalisation d’une famille cohésive. Le manque d’intégration n’est pas ignoré : le gouvernement français fait beaucoup pour catalyser l’acceptation, et l’intégration, de l’islam dans la société et la culture françaises.

La tension qui existe dans les relations entre les musulmans et les non musulmans en France a commencé à cause de leur contact en Algérie. Les relations coloniales sont résumées par le Code de l’indigénat, créé par la III République en 1874. Le Code était basé sur la « surveillance dans le sens sécuritaires » (Bozz, 81) de l’islam, dont les effets ont créé une sorte de paranoïa qui ne s’est pas dissipée avec la disparition des colonies nord-africaines. L’orientation contemporaine vers la religion est encore maintenue de « la situation coloniale [qui] a créé un rapport incontestable de domination sur l’islam » (81). L’habitude de veiller et de dominer l’islam existe encore, mais ces racines coloniales ne sont que le commencement d’un crescendo des circonstances qui exacerbent la paranoïa à l’égard des musulmans français.

Ces points de vue paranoïaques sur l’islam, qui se dérivent de l’héritage colonial, ne font qu’une partie du problème. En 1998, un groupe, appelé la Commission Islam et Laïcité, composé de chrétiens, de musulmans, de juifs et de laïcs a analysé le rapport de l’islam à la laïcité française (Bozz, 81), et a décidé que « l’expression publique de cette foi [musulmane] pose concrètement problème » (LFEEP, 12). L’expression publique se pose comme problème car, selon beaucoup de Français, elle menace l’identité française qui est composée des notions constitutionnelles comme la liberté, l’égalité, et la fraternité, mais dont la valeur constitutionnelle la plus menacée est surtout la laïcité. L’identité française est un concept qui porte beaucoup de valeur aujourd’hui; les Français ont tenté de créer une République plusieurs fois pour rendre parfaite leur constitution, alors la fierté avec laquelle ils regardent les valeurs constitutionnelles suscite des réactions de défense. La peur de perdre cette identité est vraiment réelle pour quelques Français : en 1985, le Figaro-Magazine a montré une couverture avec le buste d’une Marianne habillée en tchador, avec l’article correspondant titré, « Serons-nous encore Français en trente ans ? » (Deltombe et Rigouste, 196).  La surveillance des Français musulmans existe encore, mais elle a évolué pour garder l’identité française et les valeurs de la République, la laïcité en particulier. 

La laïcité est perçue comme la valeur la plus menacée parce que être laïque en France, cela veut dire séparer la religion de l’État autant que de la vie publique. La laïcité est une notion très enracinée dans la création de la République : après la Révolution, l’Église était perçue comme un danger parce qu’elle était liée intimement à la monarchie (Levine). Abdelwahab Meddeb, un écrivain tunisien, utilise une note titrée « Aspect religieux du fascisme » écrite en 1933 par Georges Bataille pour analyser la réaction de défense contre l’islam. Selon Meddeb, le conflit entre la France et l’islam est parce que « la démocratie procède de l’élection de quelqu’un qui ressemble à celui qui vote pour lui… [et] Au contraire, la structure fasciste de l’autorité assimile le chef à la figure du dissemblable, c’est-à-dire Dieu » (Meddeb, 82). La République était fondée contre l’idée d’un monarque, ou de l’autorité divine. Au contraire, elle « a organisé son pacte social en sortant de l’hégémonie du divin et de L’Eglise, en créant un système civil construit contre le primat de la religion » (Meddeb, 145). Beaucoup de Français supposent que les musulmans obéiraient ce « chef à la figure du dissemblable » au-dessus du chef de la France et, donc, le point de vue français est que ces deux structures sociales, la loi démocratique et la loi divine, ne peuvent pas être compatibles.

L’adoption de la loi n2004-228 a renforcé ce sentiment qu’il y a une contradiction entre les idéaux français et musulmans. La loi interdit les signes religieux à l’école, et a suscité des réactions féroces. L’interdiction des signes religieux provient de l’idée de la laïcité, « qui [doit faire] de la religion une affaire privée et qui interdit aux individus d'affirmer leurs convictions personnelles et collectives » (Reboul). Cette loi voulait appliquer cette notion républicaine aux écoles publiques. Malgré son objectif, la loi, en effet, a exacerbé l’idée qu’un citoyen français ne peut pas être à la fois français et musulman. Cette interdiction évoque des nouvelles images de la Marianne qui s’est dévoilée, triomphant des fers de l’islam.
















Pour cette raison, la loi semble être contre l’islam en suggérant que la religion met les femmes dans un rôle de soumission, quelque chose qui est contre le droit de l’égalité de la République. (La soumission des femmes musulmanes existe vraiment, mais elle n’est pas exigée par la religion, et alors elle n’est pas toujours le cas). La mise en application de cette loi a fait réapparaître les mêmes sentiments qu’avant : que le conflit entre des idéaux français et ceux des musulmans ne peut pas être réconcilié, tandis que la conception des idéaux musulmans déchire la cohérence de la République.

La séparation de la religion et de la vie publique est une réponse française à la peur de voir les communautés différentes se détacher des idéaux de la République. Le point de vue français sur un musulman français qui pratique sa foi et se conforme à la loi divine craint qu’il donne plus d’importance à ses valeurs religieuses qu’aux valeurs républicaines. Dans un pays où les citoyens vantent le droit de la fraternité, on a des difficultés en réconciliant « la contradiction flagrante entre ceux qui se réclament d’abord d’une loi divine et le pays qui les accueille, dont l’identité est bâtie sur un droit fabriqué par la raison humaine » (Meddeb, 145). Cette contradiction perçue est à la base des problèmes. Les Français veulent savoir : à qui, à quelle partie de ses idéaux contradictoires- d’une loi divine et de la raison humaine
- est-ce que le musulman français va répondre ? Cette question porte atteinte à la force des valeurs et de la cohérence de la République française, parce qu’elle conteste leur importance. L’image de la Marianne voilée est si puissante d’un aspect parce qu’elle est indicative de ce sentiment national d’être déchiré ou déstabilisé aux fondements de l’État. Tout aussi important est l’aspect de la peur de la foi musulmane, dont la voile évoque un type extrémiste de la religion.

La raison pour laquelle l’islam souffre d’incompatibilité perçue de l’islam est le problème contemporain de « la confusion commode de l’islam et l’islamisme » (Meddeb, 452). L’islamisme est une interprétation violente et extrémiste du Coran qui porte gravement atteinte à la perception de l’islam non extrémiste. Il y a un crescendo des malaises associés à l’islam ; le sentiment d’avoir besoin de la surveillance, de la protection de l’identité française et des valeurs républicaines, mais la peur de l’islamisme est au sommet des malaises. Cette peur n’a pas à sa base une peur de la foi elle-même mais plutôt de la manipulation de la foi qui proclamerait la volonté une loi divine au-dessus de celle de la République. La peur de la manipulation religieuse s’est empirée à cause, de la plupart, de deux raisons-piliers. Premièrement, la situation « se montre souvent déstabilisé[e] par l’implantation massive d’une religion encore perçue comme étrangère » (LFEEP). L’islam est encore traité comme étranger et les effets de cette perception sont similaires à la xénophobie, engendrant une peur ignorante. Deuxièmement, la situation est exacerbée par le reportage des médias, dont l’attention au sujet de l’islam souligne l’existence des problèmes internationaux causés par un point de vue extrémiste de la religion. L’extrémisme devient mélangé avec la religion non manipulée par les islamistes, causant cette « confusion commode » (Meddeb, 452). Les effets créés par le reportage des médias, même si on réussit à différencier entre les deux côtés polaires, sont que « le manichéisme médiatique [en France]… s’est.. encore reconfiguré pour proposer, au contact de figures de l’ennemi absolu (à la foi jeune, arabe, se référant à l’islam et socialement défavorisé) des figures de l’ami qui entretiennent la logique binaire » (Deltombe et Rigouste, 200). Les musulmans français, donc, se trouvent comme des funambules, s’équilibrant sur une corde raide, menacés de tomber dans une catégorie d’un musulman amiable ou ennemi.

Le gouvernement aborde cette situation en essayant d’élargir le chemin sur lequel les musulmans s’équilibrent. Pour l’élargir efficacement, le gouvernement a décidé de créer un groupe représentatif de l’islam et puis de lui donner la responsonsabilité de la formation des imams. En 2003, la création du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) par Nicolas Sarkozy avait pour but de « promouvoir la création d’une instance représentative de l’islam en France » (cité par Le Temps). Jean-Pierre Chevènement a commencé ce processus de la formation d’un groupe représentatif pour la communauté musulmane en 1999, mais le projet progressait lentement, et la hausse du nombre des attentats terroristes nécessitait qu’il soit complet. On avait besoin d’une explication de la violence, d’une organisation pour étaler publiquement et officiellement les opinions musulmanes à l’égard de ces attentats. C’est la raison pour laquelle les attentats terroristes ont catalysé la création du CFCM par le gouvernement : en rejetant publiquement l’usage de la violence terroriste, le CFCM pourrait séparer l’islam de l’islamisme et apaiser cette peur ignorante.

Un peu après la création du conseil en 2003, le gouvernement a mis dans la responsabilité du CFCM le projet de la création d’une filière de formation des imams. La filière élargirait le chemin en essayant d’apaiser la perception que l’islam n’est pas compatible avec les idéaux français et la peur de l’islamisme. Pour catalyser la compatibilité des idéaux, son objectif était de refaire les leçons pour les imams pour qu’ils puissent connaître la France, ses lois, et ses idéaux. Le CFCM a reçu la responsabilité de la formation des imams pour assurer que les opinions musulmanes étaient bien formulées, qu’elles viennent, selon le Premier ministre précédent Jean-Pierre Raffarin, d’une « pleine connaissance des réalités de la société française, » (Ternesien, Juillet). En 1990, L’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) a créé le seul institut à former des cadres religieux, l’Institut Européen de Sciences Humaines de Saint-Léger de Fougerat, mais l’institut avait besoin de financement ; la majorité de son financement venait des dons des pays du Golfe. Pour apaiser la peur de l’engendrement de l’islamisme avec la formation des imams, le gouvernement a pris la responsabilité de la répartition de ces dons du Golfe pour garantir que les fonds financent les leçons concordantes avec la filière de formation des imams. Ces actions montre que le gouvernement veut assurer, et rassurer les Français, que les fonds ne financent pas de leçons extrémistes à la fois qu’ils financent des leçons qui apprennent aux imams une connaissance de la société française.

Le rapport de l’islam à la France est très complexe à cause d’anciens liens qui les ficèlent et de nouvelles circonstances qui embrouillent ces liens. Par conséquent, le point de vue français sur l’islam est à la fois antique et contemporain. Le besoin de surveiller l’islam est encore une trace du passé, étant resté dans les cœurs français même après la décolonisation de l’Afrique du Nord. L’hésitation à intégrer l’islam dans la société vient de la préservation de la République et ses idéaux, une raison plus contemporaine. La France se vante d’être « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale, » (la Constitution, préambule, article o1) et cette fierté suscite des réactions de défense contre l’islam, dont la foi est perçue comme quelque chose qui nie ces valeurs républicaines. De plus, la réalité de l’existence d’un islam intégriste, violent, et extrémiste exacerbe le conflit perçu entre les idéaux. La foi musulmane ne peut pas échapper à la déchéance de sa réputation causée par les islamistes. À cause de cela, beaucoup de Français ne peuvent pas différencier entre les musulmans ennemis et amiables (Deltombe et Rigouste, 200) tandis que les musulmans français ne peuvent pas s’équilibrer entre ces deux perceptions complètement polaires. Les mesures prises par le gouvernement essaient de répondre à ces sentiments à l’égard de l’islam pour catalyser l’intégration de la religion dans la société et la culture française. Ses actions constituent un vrai effort de débrouiller les liens entre la France et l’islam pour surmonter la méfiance et la peur.

 

Les relations franco-musulmanes sont très enracinées dans l’histoire de la France. Malgré tout, il y a encore de la tension qui empêche l’intégration complète de l’islam en France. Le problème est à la fois ancien et contemporain. La tendance de surveiller l’islam, créée pendant la colonisation, est encore maintenue. Ce besoin de la surveillance est exacerbé aujourd’hui avec la hausse des crimes violentes commis par des islamistes.  Mais il y a un problème des idéaux qui est plutôt contemporain. Les idéaux de la République portent beaucoup de valeur aujourd’hui, alors à la base du problème est aussi une perception que l’islam, et ces idéaux, est une menace aux valeurs républicaines. Cet essai aborde les causes contemporaines et passées de cette tension, et la manière du gouvernement de la faire dissiper. 

Pour la réconciliation

Citations

Bozz, Anna. « Islam et la République : une longue histoire de la méfiance. » Dans La Fracture Coloniale Pascal Blanchard, Nicolas Bancal et Sandrine Lemaire. Paris : La Découverte, 2006. pp. 77-84.


Deltombe, Thomas et Mathieu Rigouste. “L’ennemi intérieur; la construction de la figure de l’ « Arabe ». » Dans La Fracture Coloniale Pascal Blanchard, Nicolas Bancal et Sandrine Lemaire. Paris : La Découverte, 2006. pp. 195-202.


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Levine, Alison. Communications, 12 avril, 2009.


« Laïcité et islam en France ». Rapport d'étape d'une commission de travail de la Ligue de l'enseignement. LFEEP, (Ligue Française de l'Enseignement et de l'Education Permanente). Paris : LFEEP, 1998.


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Meddeb, Abdelwahab. Contre-Prêches. Paris : Éditions de Seuil, 2006.


Meddeb, Abdelwahab. « Pour une religion de la ‘paix perpétuelle’ ». Le Monde. Septembre 2004.  LexisNexis. 30 Mars 2009. <http://www.lexisnexis.com:80/us/lnacademic/home/home.do?randomNum=0.4424093640665743>


Reboul, Sylvain. « Voile islamique et laïcité ». Éditoriale de novembre, 1999.


Tabet, Marie-Christine. « Villepin place le CFCM face à ses responsabilités ; Formation des imams et des aumôniers, contrôle des courants extrémistes ». Le Figaro No 18580. Mai 2004. LexisNexis. 30 Mars 2009. http://www.lexisnexis.com:80/us/lnacademic/home/home.do?randomNum=0.4424093640665743


Ternesien, Xavier. « La formation des imams, le nouveau défi de l’islam français. » Le Le Monde. Julliet 2003. LexisNexis. 29 Mars 2009. <http://www.lexisnexis.com:80/us/lnacademic/home/home.do?randomNum=0.4424093640665743>


Ternisien, Xavier. « M. Sarkozy rappelle aux imams l’importance de leur formation en France ». Le Monde. Avril 2003. LexisNexis. 30 Mars 2009. <http://www.lexisnexis.com:80/us/lnacademic/home/home.do?randomNum=0.4424093640665743>

Medi-1 radio

    liens vers un site de                 radio du Maghreb qui contient les points de vue des écrivains et penseurs musulmans

L’Union des Organisations Islamiques de France

   site officiel de L’OUIF, un membre du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)

Pour une religion de la “paix perpetuelle”

Lien vers un article trouvé dans Le Monde écrit par Abdelwahab Meddeb, un écrivain tunisien